25.3.07

Col de la Biche Tab 5









TAB 5



(La scène est plongée dans l’ombre ; une lumière de lampe torche apparaît derrière le public. C’est Armandine dans le chemin de la montagne)

 
Armandine     C’est pas possible ! Y z’ont rajouté des kilomètres depuis c’t’ après-midi ! Ca fait une heure que je me traîne dans la caillasse et chuis même pas arrivée au petit pont de la rivière. Même pas je l’entends, leur rivière ! Tout à l’heure, elle faisait un boucan du diable et là, rien ! On l’arrête quand même pas de couler la nuit, pour laisser dormir les marmottes !
Si ça se trouve, j’ me suis plantée en traversant la forêt. Parce que dans la forêt, merci ! des arbres, des arbres, encore des arbres ! Et des ronces qui vous accrochent par la veste, et des branches mortes qui vous font des croche-pied, et des branches pas mortes qui vous foutent des coups sur la tête ! Tu parles, dans tout ce fouillis, y’a de quoi se gourer de chemin. Si on peut appeler ça des chemins ! Même les bestiaux, y doivent pas s’y retrouver, tellement c’est pas large et que ça te fait des contours et des zigzags !
Merde ! Les sangliers ! J’y avais pas pensé, aux sangliers ! C’est dangereux, ça, les sangliers ! Si ça se trouve, quand ça a les crocs, ça bouffe les gens ! (Hurlant) Hé ! Barrez vous, bande de sales bêtes, foutez le camp ! Chuis pas un casse-dalle à sanglier ! Chuis sûre qu’y’ en a par là…

(Elle tape du pied, fait des moulinets avec son sac à dos)

AAAAARRRRR ! BBRRRRR ! OUAAAAH ! OUAAAHH !

(Elle se met à reculer en continuant ses cris, ses invectives)

Foutez-moi la paix ! J’veux aller voir ma mère ! Allez, à la niche, tout doux, tout doux, gentil ! gentil !

(Elle hésite pour sortir : à droite ? à gauche ?)

De quel côté faut qu’ je tourne ? Par là ? Par là ?En tout cas, faut qu’ je descende, la route est tout en bas… Bon, allez, par là !

(Elle sort par le fond de la salle, réapparaît, le doigt tendu vers les buissons)

Et vous, les bestiaux, vous m’ suivez pas, compris ?

(Elle disparaît.)







« Col de la Biche » tab 5 Texte déposé à SACD/SCALA







av 5 suit

21.3.07

Col de la Biche tab 4







TAB 4



Nadia    Hé ! Attention, ça bouge dans la tente à monsieur Vlacic !

Marina    (s’approchant vivement de la lunette et se mettant à scruter le ciel) T’es miro, ma vieille ! J’te dis qu’y’ en a deux petites qui tournent autour !

(Les deux autres filles l’ont rejointe autour de l’appareil)

Delphine    C’est toi qui as des hallucinations ! Faut arrêter la limonade, cocotte ! Comment tu peux voir tourner des planètes à toute berzingue à des milliards de kilomètres ?

Nadia    C’est p’t- et’ des avions extra-terrestres ou des espèces d’hélicos de là-bas ?

Delphine    Ouais ouais, regarde bien, y’a pas E.T. et ses potes en train de sauter en parachute ?

(Rigolade générale ; monsieur Vlacic apparaît de derrière sa tente)

Vlacic    Dites, il y a une casserole d’eau qui bout, sur le gaz ! C’est toujours celle pour le thé ?

Nadia    Mince ! On l’a oubliée ! Je m’en occupe !

(Elle va s’affairer autour de la table camping)

Vlacic    Ah ! Je vois que vous y prenez plaisir ! Alors, vous avez vu de belles choses ?

Marina    Oh, oui oui, ça fait un bout de temps qu’on regarde, on s’en lasse pas ! C’est nous qu’on vous a réveillé ? On a fait trop de bruit ?

Vlacic    Non non, pas du tout. J’ai même bien dormi, dites ! Ca fait du bien ! Et je n’ai même plus mal aux jambes !

Marina    L’air des cimes ! Y’a rien de tel !

Vlacic    Et Armandine ? Toujours couchée ? Je vais voir où elle en est…

Marina    Pas la peine, j’y ai été y’a cinq minutes, elle pionçait comme un bébé.

Nadia    Tout le monde veut du thé ?

Vlacic    Du thé bien chaud ! Oui, bien sûr, tout le monde en veut n’est-ce pas, les filles ?

Nadia    (portant un plateau) Attention, c’est chaud ! A un moment, on l’entendait ronfler d’ici , Armandine!

Delphine    Ca, c’était peut-être monsieur Vlacic !

Vlacic    C’était peut-être bien moi ! Pour Armandine, vous avez raison, j’irai la réveiller un peu avant le passage de la comète… Alors, dites-moi, qu’est-ce que vous avez vu d’intéressant pendant ce temps ?

Nadia    On a regardé celle-là, la grosse. Delphine nous a dit que c’était l’étoile polaire, c’est vrai ?

Vlacic    Oui, oui, c’est vrai ! Bien Delphine, bien !

Nadia    On a aussi regardé par là, y’en a une vachement rouge…

Delphine    Même que Marina a vu des trucs qui tournaient autour, des planètes peut-être…

Nadia    Ou des avions, ou des hélicos !

Vlacic    Mais ce sont de véritables découvertes ! La science a drôlement progressé, grâce à vous, ce soir !

Marina    Et alors ? Pourquoi y’en aurait pas, des gens, ailleurs ? On est bien là, nous !

Nadia    Si y’en avait, on le saurait depuis longtemps !

Vlacic    Ca, ce n’est pas si sûr. Mais c’est intéressant, ce que pense Marina. Tu crois qu’il y a d’autres mondes habités ?

Nadia    Des Martiens tout verts avec des antennes ?

Marina    T’as fini de te foutre de ma tronche ? J’ai pas dit des Martiens, chuis pas débile ! C’que j’ veux dire, c’est que c’est tellement grand tout ça, y’en a tellement, des étoiles, des machins et des trucs, que c’est pas possible que ça soye vide de chez vide, tout ça ! Si les fleurs et les arbres ça pousse ici, pourquoi ça serait pas pareil là-bas, là-bas ou là-bas ?

Nadia    Les herbes et les arbres, c’est pas des gens !

Marina    Si y peut y avoir des arbres, y peut y avoir des gens ! Ca s’appelle la vie, si tu veux savoir. Ca se fourre partout, ce machin-là. Y’a de l’eau quelque part : hop ! ça invente les poissons ! y’a des déserts pleins de sable ? Hop ! y surgit des scorpions et des cactus ! Y’a des montagnes pleines de neige : Zou ! y pousse des sapins de Noël et des zédés…des zédés… chais plus quoi !

Vlacic    Edelweiss ! des edelweiss, tu as raison, ça ne se trouve que dans les montagnes, l’étoile des neiges !

Marina    Voilà, l’étoile des neiges, comme y dit. T’aères pas ta salle de bain, vlan ! du moisi partout, du noir, du blanc, t’es obligée de tout passer à la javel ; tiens, regarde, on arrache les mauvaises herbes autour des rosiers des plates-bandes, au Centre : ça rate pas, quinze jours après, y’a du chiendent à nouveau partout, surtout si il a plu, on peut pas lutter contre… C’est comme les fourmis, les cafards, les bestioles, là, tu les flingues dans un coin, ça revient dans l’autre, quand y’en a plus, y’en a encore, et en plus, y s’habituent aux produits ! Au bout d’un moment, tu mets du PCHHHHTTT PCHHHTT, y rigolent en se foutant de ta pomme, t’es obligée d’y aller à coups de tatanes et c’est toi qui t’ fatigues, c’est pas eux.

Nadia    Qu’est-ce qu’elle raconte, celle-là ? C’est pas la vie, ça, c’est des cochonneries, du parasite, du résidu de poubelle ! La vie, c’est pas ça. La vie, c’est nous, les gens, les chats, les chiens, chais pas, les chevaux où qu’on va avec mademoiselle Geneviève, parce qu’y nous comprennent ; les cafards, ça comprend rien, tu peux pas parler avec.

Marina    C’est moi qui m’ goure, monsieur Vlacic ? La vie, c’est pas tout c’ qui bouffe et qui fait des petits ?

Vlacic    On peut dire ça comme ça, même si tu simplifies un peu les choses. Mais c’est vrai : même un microbe, c’est de la vie !

Nadia    Ah ouais ? La grippe, la peste, le sida, les infections, c’est la vie ? Alors que ça tue plein de gens ?

Delphine    Ben, on tue bien les lapins pour les manger, alors que eux et nous, on est vivant…

Nadia    Bon, je la ferme, j’y comprends rien, à votre truc !

Vlacic    Mais non, mais non, « de la discussion jaillit la lumière » comme on dit !












Marina    En parlant de lumière, je suis sûre que partout là-haut, y’a des choses ou des gens qui vivent, qui sont là depuis vachement plus longtemps que nous et qui nous regardent, p’t- et’ avec des instruments comme çui de monsieur Vlacic, mais plus grands, énormes, et qui voient tout c’ qu’on fait.

Delphine    Et ben, y doivent se marrer !

Marina    Ca, chais pas trop, parce que c’est pas vraiment rigolo, c’ qui se passe ici. Si y voient comment c’est chez nous, ça doit leur donner envie de faire exactement le contraire.

Vlacic    Il y a quand- même des choses biens qui se font sur Terre ! Il ne faut pas tout noircir !

Marina    Ah oui ! Ben, y’a qu’à voir la téloche, aux infos ! On passe son temps à se bagarrer, à tuer des gens, à foutre les gens dehors de chez eux, à faire crever des enfants de faim, à bombarder des hôpitaux ! Et tout ça pendant qu’y en a qui s’en foutent plein les poches…C’est dégueulasse…Vous trouvez ça beau, vous ?

Vlacic    Ce n’est pas entièrement faux, ce que tu dis, mais…

Marina    Alors, je pense qu’un jour, ceux de là-haut, y viendront ici remettre les choses à l’endroit, à grands coups de pied aux fesses pour certains et que peut-être, ça sera un peu moins pire pour tout le monde !

Vlacic    Ah dis donc ! J’espère que je ne ferai pas parti de ceux qui recevront un coup de pied, dis ! Un coup de pied d’extra-terrestre, ça doit faire mal !





« Col de la Biche » tab 4 texte déposé à SACD/SCALA










av 4 suit

14.3.07

Col de la biche 2 et 3







TAB 2



(Marina, Nadia et Delphine viennent de finir la vaisselle-chanson. Retour de monsieur Vlacic)

Vlacic    Ah, mais ça y est, vous avez terminé la vaisselle ! Je ne vous ai même pas aidées ! J’ai honte. Mais je n’aurais pas fait mieux, dites !

Marina    (avec un air moqueur) Mais c’est normal, monsieur Vlacic, la vaisselle, c’est une affaire de femmes, tout le monde sait ça !

Vlacic    Mais ce n’est pas vrai, je ne pense pas cela du tout…

Marina    Je plaisante !

Nadia    Elle plaisante !

Les trois filles    On sait bien que vous êtes pas comme ça, monsieur Vlacic ! C’est pas un macho, monsieur Vlacic ! Chez lui, c’est lui qui fait la vaisselle, monsieur Vlacic !

Vlacic    (riant) Mais vous êtes diaboliques, ce soir ! Vous me faites rougir !… Dites, mesdemoiselles, je vais un petit quart d’heure dans ma tente, reposer mes jambes, j’ai trop mal aux pieds ! Ce n’est plus de mon age, les expéditions… Soyez gentilles, dites, ne faites pas trop de bruit, votre copine essaie de dormir un peu. Je ne sais pas ce qu’elle a, elle n’est pas très bien…

Marina    Pov’ choute, va !

Vlacic    Non, c’est vrai, elle est fatiguée, ça arrive ! Bon, je vous laisse, vous m’appelez, s’il se passe quelque chose.

Nadia    J’vois pas vraiment ce qui pourrait se passer, au sommet du Col de la Biche, 1523 mètres d’altitude, à 9 heures du soir !

Marina    Peut-être le grand méchant loup qui voudrait nous croquer tout cru ?

Delphine    C’est à quelle heure, déjà, qu’elle passe l’étoile ?

Vlacic    23 heures 27. De 23H 27 à 00H 14… Dites, si vous voyez que je me suis endormi, vous me réveillez, hein, vous ne la laissez pas passer sans moi !

Nadia    N’ayez crainte, vous avez bien dit que vous nous faisiez confiance, tout à l’heure ?

Vlacic    Bien sûr, je l’ai dit.

Marina    De toute façon, ça serait pas grave, elle repassera dans douze mille ans, alors…

Vlacic    Alors, je préfère la voir aujourd’hui ! Bon, à tout à l’heure, soyez sages.

Delphine    Dites, on peut regarder dans le télescope, en attendant ?

Vlacic    Oui, bien sûr ! Vous avez compris pour les réglages, hein ? Attention, c’est fragile…

Delphine    On a tout compris, on y fera attention, à la mécanique.

Marina    On va la dorloter !

(Vlacic s’éloigne puis disparaît dans la petite tente. Les trois filles se précipitent sur la lunette, la bousculant, la faisant tournoyer dangereusement)

Delphine    C’est moi qui l’ai demandée la première !

Marina    A moi ! C’est moi qui l’ai portée tout le long du chemin !

Nadia    Laissez- moi la ! Ca sera vite fait, j’ veux juste zyeuter la grosse, là-haut !

Delphine    Elle s’appelle pas la grosse ! C’est l’étoile polaire ! J’te la règle dessus, après, j’ te la passe…

Marina    Eh ! Touchez-y pas comme ça, avec vos mains pleines de doigts ! C’est à moi qu’y l’a confiée, c’est fragile, qu’il a dit !

(Elle saisit l’appareil à pleins bras, les autres la collent au plus près)

Delphine    C’est pas qu’à toi ! Laisse- la moi !

Nadia    Non, à moi, à moi !

(Armandine surgit de derrière la grande tente, sac au dos, lampe torche à la main)

Armandine     Hé ! du calme, taisez-vous, vous allez le réveiller.

(Les trois filles s’immobilisent, se tournent vers Armandine, font silence, reposent la lunette, regardent leur copine avec son paquetage)

Nadia    Déjà relevée, ça va mieux ?

Armandine    Parle moins fort, je t’ai dit

Marina    Qu’est-ce tu fous, avec ton sac ?

Armandine    J’ai un truc à faire, j’ me tire, voilà !

Delphine     Tu te tires ? Mais tu peux pas…

Armandine    C’est toi qui vas m’en empêcher, peut-être ?

Nadia    Mais où tu vas ?

Armandine    J’vais voir ma mère ; c’est son anniversaire aujourd’hui. J’veux la voir.

Nadia    J’croyais qu’elle avait pas le droit de te voir, tu m’avais dit…

Armandine    Justement, c’est pas juste ! Chuis sa fille, c’est ma mère…

Marina    Et ça t’a pris comme ça, en haut de la montagne, comme une envie de pisser ?

Nadia    Mais c’est toi qui as demandé à faire la sortie de ce soir, y t’ont pas forcée !

Armandine    Peut-être, mais depuis, y s’est passé des choses…

Marina    C’est quoi, qu’y s’est passé ?

Delphine    Depuis, y s’est passé que mademoiselle Geneviève s’est pété la cheville, et alors, ça change tout !

Armandine    Et alors, ça te gène ? Oui, si tu veux savoir, sans elle, c’est pas pareil. C’est mon éduc. Avec elle, je peux parler, elle m’aurait comprise. Mais elle est plus là alors j’en ai plus rien à faire de vos étoiles, de vot' pique- nique au grand air. C’est l’anniversaire de ma mère, j’ veux aller l’embrasser. J’ai le droit, non ?

Marina   C’est ça, c’est ton droit, mais viens pas chialer après si son mec y t’a encore tapé dessus…

Armandine    Ca, ma vieille, c’est mes ognons. J’veux voir ma mère, j' me casse, point barre !

Nadia    Et à monsieur Vlacic, on dit quoi ? Qu’ t’as été manger du gâteau d’anniversaire à cent bornes d’ici et qu’ tu reviens tout de suite après ? Merci du cadeau !

Armandine    C’que je vous demande, c’est de pas me balancer. Z’avez qu’à dire que je suis pas mieux, que je veux qu’on me laisse pioncer jusqu’à demain. Après…

Marina    Ca va être gai et joyeux, le réveil, demain matin ! Et encore, si Vlacic s’en rend pas compte avant !

Armandine    De toute façon, vous y êtes pour rien, c’est moi qui me trisse, c’est pas vous… Même pas vous m’avez vu partir ! Bon, c’est O.K, vous me couvrez le plus longtemps possible ?

Marina    Ben, si on peut pas te faire changer d’avis…

Armandine    C’est comme si j’étais plus là !

Delphine    Mais t’as pensé aux cinq kilomètres dans la montagne, en pleine nuit ? Et quand tu s’ras en bas ?

Armandine    D’abord, j’ai ma loupiotte, le chemin, j’ l’ai fait à l’aller, j’ le f’rai au retour, chuis pas si tarte que ça, pis en bas, je f’rai du stop, c’est pas ça qui me fait peur !

Nadia    Du stop, à cette heure…

Armandine    T’inquiète, la nuit, tout le monde est pas sous sa couette ou les yeux braqués sur les étoiles filantes. Y’a aussi des gens qui vivent…

Marina    Ouais… Bon, allez, disparais, on s’occupe du reste. T’es vraiment un cas, toi !

Armandine    On est comme on est, on s’ refait pas !

Nadia    Bonne chance, vieille. (elle l’embrasse) Dis, si y voit quelque chose et qu’il appelle les flics ?

Armandine    Pas si bête ! Le portable, c’est moi qui l’ai, j’ lui ai chourré…

Delphine    T’es complètement chtarbée mais j’ t’aime bien. Tiens, une barre de chocolat, pour la route.

Armandine    Vous êtes sympas, les filles. Allez, à plus et « bonne étoile » quand-même !

Marina    Ca, c’est pas gagné ! Bon, ben, bonne chance et bon anniversaire à ta mère !

Armandine    Merci, tchao !

Les trois filles    Tchao !

(Armandine disparaît côté cour)












TAB 3



Nadia    Bon, ben voilà…

Delphine    Comme tu dis, y’a plus qu’à, faut qu’on… Assumer, le plus longtemps possible…

Marina    Ouais, enfin, faut pas pousser, on en a déjà fait d’autres. Des « ni vu ni connu, j ’t’ embrouille » ça s’ra pas la première fois… C’est vrai que ce soir, elle a fait fort, la mère Didine !

Delphine    Surtout ce soir, quoi !

Marina    Qu’est-ce qu’il a, ce soir ?

Delphine    Ben, chais pas, la sortie, l’accident de mademoiselle Geneviève, la comète, les douze mille ans…

Marina    Douze mille ans, douze mille ans, pour celle-là. T’en reverras d’autres, des machins, si y’a que ça qui t’intéresse… Tu crois que pour elle, c’est pas plus important, l’anniversaire de sa mère ? Des mères, on en a qu’une, quand on a la chance d’en avoir une ; des étoiles, y’en a des millions, des milliards, des tonnes, quoi ! En plus, si ça se trouve, c’est des conneries, on est là comme des andouilles pendant que notre copine…

Nadia    Ah, non ! Tu vas pas t’y mettre, toi aussi ! Qu’est-ce que tu veux ? Que nous aussi on se casse avec notre sac à dos et notre bougie, qu’on retourne chacune dans notre merde et qu’on laisse le vieux tout seul en haut de sa montagne avec son télescope et sa comète ? Il y croit, lui, à son étoile, y trouve ça beau et y veut nous en faire cadeau. J’trouve ça vachement sympa, il était pas obligé et nous, on avait qu’à pas accepter.
Alors maintenant, on est là, on joue le jeu jusqu’au bout ; elle, elle voit sa mère, lui, y voit son étoile, nous, on est des vachement p’tites gonzesses bien sages, on fait des « oh ! la belle bleue, oh ! la belle verte ! », on fait le maxi pour tenir le coup jusqu’à demain matin…

Marina    Et demain est un autre jour !

Delphine    Ouais. Ben n’empêche, moi, ça m’ fout la trouille.

Marina    Nous aussi on l’a, la trouille, mais on fait comme si, d’accord ?

Nadia   D’accord

Delphine    D’accord

Marina    Tope là, les filles !

(Elles se tapent les mains)




« Col de la Biche » Tab 2 et 3 Texte déposé à SACD/SCALA



av 2 et 3 suit